Comme hier, c’est la pluie qui me réveille au petit matin, avant de s’arrêter définitivement au bout de quelques minutes.
Je quitte le camping de bon matin. Peut-être un peu moins tôt que les deux jours précédents.
Il fait beau.
Je reprends, là où je l’avais quittée hier, la voie verte qui continue son chemin au bord du canal.
Une belle illustration de ce dont je parlais à l’étape précédente : barrières, puis grosse épaisseur de graviers.
À un moment, la signalisation est claire : pour continuer sur la véloroute, il faut passer la Loire sur un pont routier. Pourtant, la voie verte continue le long du canal. Un cycliste avec qui je discute m’indique que c’est un cul-de-sac qui ne mène qu’à un village. De l’autre côté du pont je retrouverai une autre voie verte.
Je passe le pont. C’est mon premier contact avec la Loire, et me voici à nouveau en Saône-et-Loire.
Je retrouve effectivement une belle voie verte en enrobé lisse, sur une ancienne voie ferrée.
Elle est tantôt plate, tantôt en faux-plat descendant, permettant de rouler à un bon rythme. Elle comporte des barrières à certaines intersections, mais moins contraignantes que celles de l’Allier.
Derrière cet étonnant mur, le château de Saint-Aubin.
Je roule bien. Je croise d’autres cyclistes : voyageurs et promeneurs.
Vers la fin, les panneaux proposent de rejoindre Bourbon-Lancy par la route ou par la voie verte. La première option est plus courte et c’est elle que conseille mon guide. Mais je préfère rester sur la voie verte, car globalement elle va dans la bonne direction.
Remarquons que sur les panneaux d’information, on ne voit pas Eurovéloroute 6 mais « Véloroute Digoin – Cronat ».
Pourquoi Cronat, ce village au milieu de nulle part ? On n’y trouve en effet pas la moindre gare ni connexion à un autre itinéraire cyclable…
Probablement parce qu’après Cronat ce n’est plus la Saône-et-Loire mais la Nièvre !
J’arrive bientôt au bout de la voie verte. Si je vais sur Bourbon, je fais un détour, et c’est pour ça que mon guide conseillait l’option de la route.
Mais l’itinéraire de la véloroute est tel qu’en coupant par un bout de nationale je peux le rejoindre directement un peu plus loin.
C’est ce que je choisis de faire.
Comme je le disais précédemment, la suite de la véloroute emprunte des routes à faible trafic. C’est loin d’être direct, et pas plat du tout non plus ! Mais ici il n’y a pas vraiment d’autre alternative.
Si ce tronçon n’est pas le meilleur en terme d’efficacité, avec ses montées et ses détours, il est en revanche très agréable : très faible trafic, beaux paysages, fermes et hameaux traversés…
Malgré cela, j’y croise très peu de cyclistes. Un ou deux promeneurs, aucun sportif, et un seul couple de voyageurs.
On dirait que le trafic cycliste s’est évaporé progressivement depuis Besançon pour s’éteindre sur les derniers tronçons de voie verte d’aujourd’hui.
C’est vrai aussi qu’il commence à faire chaud.
Judith me faisait remarquer que si à notre âge on pouvait rouler toute la journée, il n’en est pas de même pour certains cyclistes plus âgés, qui supportent moins le chaud. Pas mal de voyageurs sont des retraités, et j’imagine que leur journée typique peut être : 50 km de vélo le matin, des visites l’après-midi, et les courses le soir.
Au bord de la route, un vélo de 1902 ! J’aurais bien envie de le restaurer…
On remarquera aussi le panneau. Cronat est indiqué à chaque intersection où il peut y avoir un doute. Mais il n’y a aucun logo (ni Eurovélo 6, ni véloroute Digoin – Cronat).
J’arrive bientôt à Cronat.
Et fort logiquement, étant arrivé, j’ai deux panneaux pour me dire d’où je viens…
… mais aucun pour me dire où aller.
Je lui demanderais bien, à lui…
« Dis-moi, Jésus, toi qui vois tout de là-haut, où vais-je, que fais-je, dans quel état j’erre… ?
- Passe par chez moi !
- Comment ça ?
- Bah tu sais que j’ai eu mon heure de gloire, et malgré la crise j’ai encore du patrimoine…
- Oui… ?
- Et donc à Cronat comme dans beaucoup d’endroits, j’ai une maison… Une église, quoi… Regarde un peu ta carte… »
Effectivement, ma carte me dit de passer devant l’église, qui est même en photo.
Je n’ai qu’à lever le nez pour la voir au loin.
J’y arrive.
En plus, il y a une boulangerie en face, et un banc sous un arbre à côté. Ça tombe bien car il est temps de manger.
Tiens, un caporal Caillot. Un lointain ancêtre ?
Je repars.
Je retrouve un panneau. J’ai failli le rater. Je le suis…
En fait, j’aurais bien fait de le rater. J’ai vite le sentiment que ce chemin me renvoie dans la direction d’où je viens… Je consulte alors Google Maps, en activant le GPS, et constate que ce n’est pas qu’une impression.
Mais alors pourquoi ce panneau ? J’apprendrai à mon retour, en lisant une brochure ramassée en voyage, qu’il y a une boucle de vélo-loisir qui emprunte la véloroute jusqu’à Cronat… avant de prendre ce chemin pour revenir au point de départ (c’est le principe d’une boucle) !
Il existe donc des élus qui ont la chance d’être sur le tracé de la véloroute Européenne la plus importante, mais qui préfèrent, plutôt que de s’en occuper, faire des boucles pour tourner en rond !
C’est juste pour ne pas envoyer les cyclistes dans la Nièvre ?
Heureusement, je retrouve mon chemin grâce à Google Maps. Me voici sur la route indiquée dans mon guide Chamina dont je ne regrette pas l’achat.
Je vois des fermes et des gros bâtiments. Même une sorte de château, dirait-on. Beaucoup de bâtiments semblent abandonnés ou mal entretenus.
C’est toutefois assez joli.
Les vaches ont changé de couleur.
L’itinéraire prend des petites départementales, puis des chemins encore plus tranquilles.
Les arroseurs me rappellent les champs de maïs Alsaciens.
Et revoici la Loire !
Que voit-on au second plan derrière ce panneau… ? Si ce n’est pas du camping, alors moi je ne suis pas un cycliste.
Attention à l’arrosage !
Tiens, revoici des panneaux.
Je commence à être méfiants avec les panneaux ici… Je les suis mais en vérifiant sur mon guide que ça correspond à l’itinéraire.
Ça a l’air d’être ça, alors je leur fais confiance.
Tiens, un chemin en stabilisé… plutôt bon au début…
… mais un peu moins ensuite… et ça monte.
Dans la montée, le goudron refait son apparition et j’arrive à un village : Devay.
Il n’y a, à nouveau, plus de panneau, alors je regarde de nouveau mon guide pour constater que l’itinéraire qu’il donnait n’était pas celui-ci.
Mais qu’importe : la suite de l’itinéraire consiste à rejoindre Decize par le canal du Nivernais, et passer par Devay est plus direct que ce que conseille le guide : on arrive sur le canal plus vite, et plus près de la ville cible.
C’est que je fais en suivant de chemins et des routes tranquilles. Il y a juste deux passages très ponctuels sur des routes plus importantes.
Me voici rapidement au canal.
J’aime beaucoup le panonceau sous ce panneau.
J’aime moins ce panneau qui indique Decize… dans la direction opposée à la bonne !!!
Je reste perplexe en le voyant. Je sais tout de même lire une carte… Est-ce que je me trompe ?
Des cyclistes qui arrivent de la gauche du panneau me confirment qu’ils viennent bien de Decize…
Remarque : pour Champvert et Cercy-la-Tour, la direction est bien la bonne.
Je suis le canal.
Tout à coup, j’ai ça en face de moi. Il fallait changer de rive au pont précédent, mais aucun panneau ne l’indiquait…
À Decize, je vais à peine trop loin sur le canal et rebrousse chemin par la route. Je dois prendre le pont qui traverse l’Aron.
Je traverse le pont puis le centre-ville.
J’aperçois un autre pont. Je dois le prendre pour traverser cette fois la Loire.
Mon guide explique qu’à partir d’ici il y a deux solutions pour rejoindre Nevers : soit prendre au port de la Jonction le chemin de halage non aménagé le long du canal latéral à la Loire, soit prendre des routes…
Les routes ont l’avantage d’être mieux revêtues, mais le chemin de halage est plus direct. J’opte pour ce dernier. Je suis la Loire en direction du port.
Au port, je trouve ce chemin et crois pouvoir le suivre…
Mais il s’arrête sur un parking avec une barrière à contourner.
Je continue… encore quelques hésitations et je trouverai le vrai chemin de halage.
Surprise ! Le guide, datant de 2010, le disait non aménagé. Mais actuellement il est en cours d’aménagement.
Je m’y engage. Je risque au pire de tomber sur des engins de chantiers, mais on est dimanche dont ils seront à l’arrêt.
J’y trouve tout d’abord un tronçon caillouteux. Ce n’est pas tassé et donc peu roulant.
Comme prévu, voici les engins de chantier arrêtés. À partir d’eux, c’est tassé donc plus roulant et confortable.
Plus loin, il n’y a pas de cailloux mais juste de la terre qui a été grattée et recouverte d’une fine couche de couleur noire que je n’identifie pas. Ça roule plutôt bien. C’est assez lisse.
Un pont-canal.
Tiens, un tronçon qui était déjà revêtu, et je croise des collègues voyageurs.
À une écluse, je m’arrête pour prendre de l’eau. Il y a un jeune garçon et une vieille dame qui travaillent là. En fait, j’apprends que c’est un job d’été pour le garçon, et sa grand-mère l’accompagne. Je ne savais pas qu’on pouvait faire éclusier comme job d’été.
Globalement, ça roule bien…
Parfois, il y a quelques passages un peu cahotiques.
Ensuite, je tombe sur un tronçon où les travaux n’ont pas commencé du tout. Mais ça roule plutôt bien.
À nouveau une partie déjà revêtue…
Puis du chemin qui reste correct.
Ce panneau, on le voit tout le temps le long des chemins de halage et personne n’en tient compte. Mais ici, quelqu’un a eu la bonne idée d’ajouter au marqueur « voie sans issue ». Ça m’évite de m’engager pour rien.
Effectivement, mon guide indique de prendre un petit coup la route sur l’autre rive.
Depuis celle-ci, je comprends pourquoi le chemin de halage n’est pas praticable : il s’arrête sur cette mini-passerelle probablement bien trop ancienne pour y circuler sans danger.
Au bord de la route, il y a la Chapelle Saint-Étienne de Jaugenay.
Je retourne au canal dès que possible.
C’est un peu sauvage mais ça passe.
À un moment, il y a un arbre en travers du chemin, et juste la place pour passer à côté. C’est ici qu’un couple de cycliste a décidé de poser sa tente. Ils ont des vélos avec des remorques, et deux chiens. Sur l’une des remorques est écrit « la France sans dopage ».
Je ne sais pas quel est l’itinéraire de leur voyage car il n’est guère possible de se parler. Les chiens ne cessent d’aboyer tant que je suis là. Ils me disent juste qu’ils voyagent avec les chiens, et que ceux-ci vont dans les remorques lorsqu’ils sont fatigués.
Je ne ferai pas de photos car je ne pense pas qu’ils en ont envie.
Tiens, à nouveau des tronçons en travaux.
Tout à coup, je retrouve des cyclistes, des piétons, et même de l’enrobé lisse. Je reviens à la civilisation.
Je croyais avoir tout vu en terme de jalonnement, mais les panneaux d’ici arrivent encore à me surprendre… !
58, c’est la Nièvre…
VR 6 pour vélo route 6…
Et Zone 10… ?
On dirait un jalonnement militaire. C’est absolument incompréhensible pour un non-initié.
Deux canaux se rejoignent ici, avec les chemins de halage qui vont avec. Ce ne sont pas ces panneaux qui m’aideront alors je regarde mon guide qui, lui, est très clair.
Il m’apprend que la véloroute ne passe pas à Nevers mais un peu plus au sud-est. Pour aller en ville, et au camping, il faut suivre les 3,5 km de chemin de halage du canal d’embranchement (c’est son nom sur la carte).
Il est aménagé en enrobé lisse. Je m’y engage.
Ça roule vraiment bien, à part quelques endroits où les racines des arbres ont soulevé l’enrobé. Un problème décidément récurrent sur les voies vertes.
Petit passage étroit. Tiens, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu un panneau demandant de mettre pied à terre. Je me demande si les aménageurs comprendront un jour que personne ne respecte ce genre de panneau.
Un cul-de-sac juste avant d’arriver en ville.
Il faut rebrousser chemin pour trouver celui-ci.
Ce chemin est étroit est caillouteux, mais roulant et agréable.
Il arrive, en plus, à l’entrée du camping que je n’aurai pas besoin de chercher. Un camping agréable, au bord de l’eau.
Je m’installe près de la tente d’un autre voyageur.
J’engage la conversation avec lui. Il est Irlandais, et a déjà vécu et travaillé à Lyon.
Après être retourné dans son pays, il a retrouvé un travail à Lyon. Alors, il a décidé d’expédier ses affaires là-bas et de faire le trajet à vélo depuis l’Irlande. Une façon de revenir en France en douceur, dit-il. J’aime bien l’idée.
On discute beaucoup. Il m’offre deux verres de la bouteille de rosé qu’il sirote. On rigole de nos voisins anglais qui sont équipés comme pour faire un raid en Afrique… et campent au camping municipal de Nevers.
Quand on a fini de boire, manger et discuter, il fait nuit. On va se laver et on se couche.
Je suis content de ne pas faire de camping sauvage depuis mon départ. En effet, il fait bien trop chaud pour imaginer dormir sans avoir pris une douche.
Bilan :
Encore une étape que j’ai trouvée très agréable. Lorsque le dernier chemin de halage sera aménagé, l’ensemble de l’itinéraire de cet étape pourra être considéré comme étant d’excellente qualité, qu’il s’agisse des tronçons de voie verte ou des petites routes entre Bourbon-Lancy et le canal du Nivernais.
Malheureusement, le jalonnement n’est pas à la hauteur et il m’aura fallu faire la navigation moi-même avec mon guide Chamina, que j’ai décidément bien fait d’acheter.
J’ai croisé beaucoup moins de monde aujourd’hui. Est-ce lié ? Probablement, mais pas seulement.
J’ai croisé quelques promeneurs et sportifs sur les parties en site propre : voies vertes du matin, canal du Nivernais et approche de Nevers. Il est clair qu’il y a plus de monde sur ce type d’aménagement qu’aux endroits où il faut se débrouiller sur les routes. La proximité des villes et la chaleur jouent aussi un rôle là-dedans. C’est vers Nevers, en début de soirée, que j’ai vu le plus de monde.
En ce qui concerne le faible nombre de voyageurs sur cette étape, outre la chaleur, j’ai l’impression qu’on est sur le tronçon français de l’Eurovélo 6 le moins populaire.
Je m’explique :
En Alsace et en Franche-Comté, notre véloroute attire des touristes par sa qualité, par ses paysages (vallée du Doubs), et par sa proximité avec les pays d’origine des voyageurs. Nous avons en effet une forte proportion d’Allemands et de Suisses parmi nos cyclotouristes.
Plus à l’Ouest, l’itinéraire bénéficie d’une importante notoriété sous l’appellation Loire à vélo.
Mais entre les deux, qui va choisir de faire spécifiquement le tronçon de Chalon à Nevers ?
Les gens qui veulent pédaler dans la région choisiront plutôt le tour de Bourgogne à vélo, ou le canal du Nivernais…
Finalement, les seuls voyageurs sur cette partie sont probablement ceux qui suivent l’itinéraire d’un point à un autre. Dans mon cas, de Besançon au sud de Paris. Pour d’autres, il s’agit de faire toute la partie française, voire toute la véloroute…
Mais même parmi ces derniers, j’en ai déjà entendu me dire qu’ils avaient sauté des tronçons en train entre Nevers et Chalon…
C’est un peu dommage car je pense que cette partie mériterait d’être plus connue. Elle est tout à fait digne d’intérêt. Mais pour cela il faudrait au moins commencer par la jalonner correctement.
Quelques chiffres :
116 km parcourus aujourd’hui, ce qui fait un total de 423,5 en 4 jours et donc une moyenne de 106 par jour.
Trois régions traversées : la Franche-Comté, la Bourgogne et une toute petite incursion en Auvergne.
Six départements : le Doubs, le Jura, la Côte d’Or, la Saône-et-Loire, l’Allier et maintenant la Nièvre.