Étape 9 : les Esserts – Landaize

Au camping des Esserts, j’étudie ma position et le tracé de l’itinéraire que je suis.

Je repère l’endroit où, hier, j’ai perdu mon itinéraire. L’explication est simple : il fallait prendre à gauche à un croisement et je suis resté sur la route principale qui partait à droite. J’ai dû rater un panneau. Il faut dire que c’était une belle descente et que je me suis lâché…

Je réalise aussi qu’en suivant ensuite la direction camping, et en croyant ainsi m’éloigner fortement de mon itinéraire, je n’ai fait que prendre une route parallèle à celui-ci, mais plus importante. Je n’ai donc qu’à ressortir du camping, retraverser la zone industrielle, et prendre une petite route pour le retrouver. C’est une bonne nouvelle car ça me dispense de remonter en sens inverse un trajet qui descendait plutôt pas mal…

Je plie bagage et charge mon vélo.

Il fait beau. Les avions décollent. Moi aussi.

Je retrouve mon itinéraire.

Il joue à cache-cache avec le Rhône : s’en éloignant, s’en rapprochant, le traversant plusieurs fois.

L’itinéraire prend pas mal de tronçons de routes sans aménagements cyclables particuliers. Mais les automobilistes font preuve de civisme.

Il faut savoir lire les panneaux pour ne pas se tromper. Ici, l’itinéraire 1 et la Via Rhona sont indiqués à la fois à gauche et à droite. Mais à gauche, c’est pour les VTT et à droite par la route.

Je grimpe dans les vignes. Je vois du paysage.

Il y a aussi des passages avec des bandes cyclables tracées sur la route. Et par moments, on a droit à de belles pistes en site propre.

Des noms de communes Françaises figurent sur les panneaux. La France n’est plus très loin. Mais à quoi va ressembler l’itinéraire côté Français ? Aurai-je un jalonnement de la même qualité qu’en Suisse ? En aurai-je même seulement un ?

Un panneau en bas d’une côte nous indique les horaires de la douane. La nuit, les automobilistes doivent faire un détour. Je me demande ce que font les cyclistes. Ils font le même détour où ils passent quand même ?

Je monte la côte. Je suis encore en Suisse, mais il y a beaucoup de déchets dans le bas-côté. J’ai plus l’habitude de voir ça dans notre pays qu’ici. Est-ce que ça vient des Français qui passent par là, ou des Suisses qui se croient déjà en France et se laissent aller ?

Cette fois, la voici : la frontière.

Pas l’ombre d’un douanier. La voie est libre. La Savoie voudrait l’être.

Je suis en Haute Savoie. Si je suis fatigué ce soir, j’irai dormir chez sa dame.

Je ne vois pas de panneaux, mais je me souviens de ce que j’ai tracé, et je sais que je dois rester toujours sur la même route jusqu’à un croisement important.

Il faudrait que je m’arrête et que je cherche un réseau wifi (ou un endroit où la 3G capte assez bien), car le site Openrunnner sur lequel j’ai tracé mon itinéraire est inutilisable sur mon smartphone. J’ai testé ce matin.

Il faudrait donc que j’y accède avec mon PC, pour exporter l’itinéraire et le renvoyer sur Google Maps. Ainsi je l’aurai automatiquement sur mon smartphone.

Je me rends compte que j’ai eu une bonne intuition en décidant de garder mon PC avec moi malgré son poids.

Mais j’ai tout à coup une bonne surprise : je n’aurai pas besoin de faire tout ça tout de suite car l’itinéraire est jalonné !

Sur les panneaux est indiqué « itinéraire provisoire ». C’est rare en France. On a plutôt tendance à ne mettre les panneaux que quand tous les aménagements sont terminés… et à laisser les cyclistes se débrouiller en attendant.

Je remarque que le panneau ne comporte pas le logo Via Rhona qui était sur les panneaux Suisses, mais un logo Du Léman à la Mer. Peu importe.

Les panneaux m’envoient par des rues et chemins tranquilles.

Tout à coup, c’est moins tranquille. Mais au moins c’est jalonné et on est prévenus.

Ça ne dure pas longtemps. À Vulbens les panneaux m’envoient dans les rues du village puis sur une départementale moins importante. Je reconnais là encore, de mémoire, l’itinéraire que j’ai tracé.

Il y a du relief. Après une légère descente, voici une montée qui ne me paraît pas trop forte, mais par contre très longue.

Ce matin, j’étais à 360m d’altitude. Je vais arriver à 550. Et entre les deux, il y a eu quelques descentes. Autant dire que j’ai avalé du relief, mais je n’ai pas avalé les kilomètres…

Mais heureusement, je sais que j’arrive bientôt au bout des montées. Ensuite, je n’aurai plus qu’une longue descente en direction de Seyssel. La voici bientôt. Ma moyenne est tout à coup bien meilleure.

Je passe à Quincy. J’ai sa musique dans la tête.

Si l’itinéraire a été très agréable jusqu’ici (et encore plus depuis que je descends), je réalise que j’ai eu de la chance de trouver hier de quoi faire des courses et dormir en Suisse. Depuis que je suis arrivé en France, je n’ai rien vu qui ressemble à un magasin, ni le moindre endroit pour dormir.

Après des kilomètres de descente assez forte sur une départementale tranquille, j’arrive sur ce qui est plus un faux-plat descendant, le long de l’eau.

Par contre, ce n’est pas tranquille : c’est même une route importante. Il y a beaucoup de voitures et des poids-lourds.

Heureusement, au bout d’un ou deux kilomètres, des bandes cyclables démarrent de chaque côté de la route.

Je m’arrête à un barrage pour prendre des photos.

Je regarde ensuite un panneau qui donne quelques indications.

Pendant que je regarde ce panneau, un autre voyageur à vélo arrive derrière moi, et s’arrête pour prendre des photos là où je viens d’en faire. J’attends quelques instants devant le panneau. Il vient dans ma direction.

Nous engageons la conversation. Il est originaire de Zürich et se rend dans le sud de la France.

Pour cela, il a d’abord suivi une partie de l’itinéraire Suisse n°5, de chez lui jusqu’à Lausanne. Je lui dis que j’avais justement suivi l’autre partie, avant Zürich, il y a deux ans avec Ai.

Ensuite, il a comme moi pris l’itinéraire 1 depuis Lausanne, et poursuivi sur la Via Rhona.

Mais ça a été moins simple pour lui que pour moi.

Il a un smartphone, mais il est assez vieux, avec une application GPS qui ne donne pas d’informations sur les pistes cyclables, et sans possibilité d’utiliser Google Maps ou des applications basées sur OSM. Il s’en sert donc juste pour connaître sa position en cas de besoin.

Il a aussi une carte qui couvre (au moins) tout le trajet de Genève à la Méditerrannée, et sur laquelle figurent les pistes cyclables les plus importantes. Par contre, l’échelle de cette carte est petite et ça se ressent sur son niveau de précision.

Dans ces conditions, je ne suis pas surpris d’apprendre qu’il a perdu son chemin dans Genève, là où j’ai remarqué l’insuffisance du jalonnement.

Il a ensuite longtemps erré hier soir aux alentours de la ville pour trouver un endroit où dormir, avant de revenir sur ses pas et de finir dans un hôtel près de l’aéroport.

Ce matin, son arrivée en France a été quelque peu mouvementée. Il s’est retrouvé sur des routes à très fort trafic, et a découvert par la même occasion la conduite des Français.

« Ils sont fous, ces Français ! », plaisante-t-il.

Il est ensuite tombé sur les panneaux que je suis depuis mon arrivée en France, et a décidé de les suivre aussi. D’où notre rencontre.

Pour aller dans le sud, il n’a pas d’idée précise de l’itinéraire à suivre. Peu importe le trajet, tant qu’il n’y a pas trop de montagnes, et pas trop de routes à fort trafic.

Je lui donne quelques explications sur la Via Rhona, car c’est certainement le meilleur itinéraire à suivre pour lui, et jusqu’au bout. Je lui précise que tous les tronçons ne sont pas terminés et qu’il faut parfois se débrouiller.

Lorsque je lui propose qu’on la suive ensemble jusqu’à Lyon, il accepte. Il est plutôt content d’être avec quelqu’un qui a l’air de savoir par où passer, et pour moi ça sera plus agréable que de rouler tout seul.

Nous démarrons ensemble.

Quelques kilomètres plus loin, les bandes cyclables sur la route laissent place à une piste en site propre au bord de l’eau.

La piste s’arrête tout à coup sur un chemin. J’hésite : le prendre, ou prendre la ruelle à gauche qui remonte sur le village ? Cet endroit mériterait un panneau. J’opte pour la première solution. Il s’engage et je le suis.

Pas de chance : c’est un cul-de-sac. Mais on y trouve quand même un robinet d’eau potable et un joli pont à prendre en photo.

Nous revenons sur le village. Nous sommes à Seyssel. Là, je lui explique que pour éviter de nous engager dans de nouveaux culs-de-sac il faut que je trouve un wifi pour récupérer l’itinéraire que j’avais tracé.

Dans le centre du village, je trouve un wifi public d’un fournisseur d’accès chez qui j’ai un identifiant et un mot de passe. Je sors l’ordinateur, l’allume, et ouvre mon itinéraire sur le site Openrunner.

C’est le moment que choisit évidemment la connexion pour couper, et lorsque je me reconnecte c’est Openrunner qui ne répond plus. Les petites blagues de la technologie…

Je vais retirer de l’argent à la banque en face de nous. Je n’avais quasiment pas d’euros sur moi.

Je reviens à mon ordinateur. Le site est revenu. J’enregistre mon itinéraire et le renvoie sur Google Maps dans la foulée. Quelques secondes plus tard il apparaît sur mon smartphone. J’éteins et range l’ordinateur. La navigation sera dorénavant facile jusqu’à Lyon.

Un passant nous indique un petit supermarché pour faire les courses à quelques pas de là. Nous nous enfilons dans les étroites ruelles qui y mènent. C’est plutôt joli comme endroit. Nous faisons les courses et mangeons.

L’itinéraire est jalonné dans les ruelles, puis reprend en site propre à la sortie du bourg.

Je fais remarquer à mon compagnon que c’est encore mieux qu’en Suisse. Il l’a remarqué aussi.

Mais je lui dis aussi que ça ne sera pas toujours comme ça…

En France, on a souvent tout ou rien : des tronçons d’aménagements parfaits… puis rien du tout. Je lui explique que les aménagements cyclables dépendent du bon vouloir des collectivités locales, ce qui explique les incohérences et les discontinuités, contrairement à la Suisse avec son jalonnement parfaitement homogène sur tout le territoire.

Après cela, il faut passer au dessus du Fier, rivière qui sépare la Haute-Savoie de la Savoie. Et comme souvent lorsqu’un ouvrage d’art manque sur la limite entre deux départements, on risque de l’attendre longtemps. Alors on passe par le pont de la route.

Remarque : on n’entre pas dans le département de Savoie. On entre en Savoie tout court !

À partir d’ici, nous n’avons plus ni aménagements cyclables, ni panneaux. Et ça fait aussi partie des endroits où l’itinéraire est interrompu sur la carte d’OpenCycleMap. Alors mon tracé passe par un bout de chemin au bord de l’eau, puis une sorte de chemin de halage, sur une île entre le canal et le Rhône. Tous deux repérés sur les vues satellite de Google.

À noter qu’ici, le Rhône coule en Savoie, et le canal dans l’Ain. La limite entre les deux est sur l’île. On risque d’attendre longtemps la Via Rhona sur ce tronçon…

Nous nous engageons donc sur le premier chemin repéré. C’est un accès à des terrains de sport et loisirs, donc il y a du monde.

Ensuite, nous arrivons à un barrage, sur lequel on peut passer pour arriver sur l’île.

À l’entrée du barrage se trouve un panneau Route Barrée. J’explique à mon compagnon qu’en France, quand on voit un panneau Route Barrée, il faut aller voir si c’est vrai… Ça l’étonne un peu. « Ils sont fous ces Français. »

Nous passons le barrage et arrivons sur l’île.

Île sur laquelle nous trouvons un chemin large comme une route départementale, mais en cailloux.

Ça semble assez roulant.

Nous nous engageons, en espérant qu’il n’y ait pas de mauvaise surprise.

La poussière se soulève sous nos roues. Sous celles des voitures que nous croisons aussi, car il y en a.

« La France, c’est un peu comme le Pakistan ? », plaisante mon compagnon.

C’est vrai qu’on se croirait presque dans ces pays traversés par des pistes en sable en guise de route principale. Le guidon de mon vélo et l’écran de mon smartphone se recouvrent progressivement de poussière.

Au bout de plusieurs kilomètres, mon tracé traverse le canal. Problème : il y a bien un pont pour cela ici, mais il est connecté à un autre chemin, en hauteur par rapport à nous, que nous avons laissé de côté en arrivant sur l’île. Fait de terre et d’herbe, il aurait été beaucoup moins roulant.

Avant d’envisager de hisser nos vélos dessus, ce qui ne se ferait pas sans mal, j’y monte à pied. Il s’agit de voir s’il n’est pas barré, mais aussi de repérer s’il existe une autre solution.

De ma hauteur, j’aperçois au loin ce qui semble être un autre pont, cette fois au niveau de notre chemin.

Nous remontons sur nos vélos, et c’est gagné. Il s’agit bien d’un pont, à partir duquel nous trouvons des routes de service goudronnées.

Nous ressortons ensuite sur la départementale 992, qui n’est pas vraiment tranquille. Mais nous n’y resterons pas longtemps : un camping est indiqué au prochain giratoire et nous décidons d’y passer la nuit.

L’accueil y est sympathique. Le tarif est bas (13 € pour les deux), ce qui change de la Suisse.

Je discute assez longuement avec un autre cyclotouriste, dont la tente est à côté des notres. Il vient de Grenoble et fait un tour de quelques jours dans la région. Il a un beau vélo Fahrradmanufaktur semblable à celui-ci.

Bilan :

Une étape en deux parties :

Une première partie seul, avec un relief qui, sans être particulièrement difficile, ne m’a pas permis d’avancer très vite.

Ensuite, la rencontre de mon nouveau compagnon de route, et une fin d’étape plus efficace. Ceci d’autant plus que lui et moi avons le même rythme sur le plat.

67 km parcourus pour moi aujourd’hui. Sans doute à peine plus pour lui.

Objectif pour demain : nous rapprocher le plus possible de Lyon.

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