Le cimetière Américain

Sur la commune de Saint-Juan fut réalisé à la fin de la seconde guerre mondiale un cimetière militaire au sein duquel furent inhumé des soldats Américains morts pour défendre notre patrie (mais également des soldats Allemands).

Ce cimetière exista de septembre 1944 à décembre 1949. Voici quelques textes à son sujet.

Le Mémorial Day a été célébré hier au Cimetière Américain de Saint-Juan

Journal le Comtois, 31 mai 1946

La journée nationale du Mémorial Day, célébrée hier aux Etats-Unis d’Amérique a fait aussi l’objet de cérémonies émouvantes dans tous les pays où sont stationnées des forces américaines sur les lieux où reposent les fils de la Grande République, tombés pour le triomphe de la liberté.

C’est ainsi que les représentants de l’armée américaine se trouvant encore dans la région organisaient une manifestation du Souvenir au Cimetière Militaire de Saint-Juan en coopération avec l’association des maires du département du Doubs qui en avait d’ailleurs pris de son côté l’initiative avec nos alliés.

A 16 heures les habitants des communes voisines et notamment de Saint-Juan et d’Aïssey arrivaient au cimetière en un long cortège, précédé des drapeaux de leur fédération d’anciens combattants et de victimes de guerre.

Parmi les nombreuses personnalités venues de Besançon on remarquait M. le Général Fournier, commandant la subdivision et le colonel Maurin, le Commandant Bonnet, Mazoureau secrétaire général de la préfecture, représentant M. le préfet du Doubs, M. Minjoz Maire de Besançon, Baverel et Mercier présidents de la fédération des déportés, prisonniers et fusillés, Guichard du Souvenir Français, De Tschudé consul de Suisse à Besançon, le président des anciens combattants, le président de l’association Liberté Nord, Vichet chef de la division de la préfecture, Roche, Grosmaire présidents de la fédération des mutilés ainsi que M. Lécuyer Maire de Baume les Dames, M. Besançon président de l’association des F.F.I., M. Bousson Emile Maire de Saint-Juan, M. le Curé Maire-Amiot de Saint-Juan.

L’armée américaine était représentée par M. le Colonel Pennian et les lieutenants Ferguson et Paterson.

Les honneurs militaires étaient rendus par un détachement américain du 61ième R.A. commandé par le Capitaine Sarrazin et un détachement d’une division d’infanterie commandé par le lieutenant Brun.

La foule nombreuse en dépit du mauvais temps s’était rassemblée au pied d’une estrade dressée à l’intention des personnalités officielles, une prière puis une allocution furent prononcées par M. l’Aumônier américain Sahlin. Puis M. Minjoz maire de Besançon prenant la parole au nom de l’association des maires qu’il préside, tint à rendre hommage aux alliés tombés en terre lointaine pour notre libération et à associer à ces pensées reconnaissantes les glorieux morts des Forces Françaises de l’Intérieur.

Ayant indiqué que l’association des maires a décidé dernièrement de prendre à sa charge l’entretien du cimetière en signe d’affectueux attachement aux Etats-Unis et de fleurir régulièrement les tombes, M. Minjoz invitait tous à garder au cœur une impérissable gratitude à l’adresse de nos libérateurs.

M. le Général Fournier commandant le groupe de la subdivision de Besançon prononça ensuite l’allocution suivante :

À vous tous, glorieux morts de la valeureuse armée des Etats-Unis qui reposez ici dans cette terre Comtoise, j’apporte le pieux hommage de reconnaissance de l’armée Française, des maquisards et de tous les anciens combattants de l’Union Française qui ont eu l’insigne honneur de lutter et de vaincre à vos côtés pour la même Sainte Cause. Vous êtes tombés, ô mes camarades de combat, alors que dans une poussée irrésistible, vous libériez en liaison avec la Première Armée Française et nos maquisards, notre sol envahi et occupé depuis de longues et douloureuses années, par un ennemi implacable , puissant et redoutable.

Comme l’ont fait vos aînés il y aura bientôt trente ans, vous avez quitté vos lointains foyers pour venir au secours de notre pays la France en danger de mort. Par votre nombre, votre puissance et votre vaillance, vous avez une deuxième fois en un quart de siècle, fait triompher l’idéal commun à nos deux peuples, celui de la liberté. Vous êtes tombés. Ceux ou celles qui au-delà de l’Atlantique, attendent votre retour vous pleurent et leurs pensées douloureuses se portent vers cette vieille terre d’Europe, cette terre de vos aïeux pour laquelle vous avez fait don de votre jeune vie. Qu’ils sachent bien tous ceux et toutes celles qui ne vous reverront plus, que le souvenir de votre sublime sacrifice restera vivace dans nos cœurs et dans le cœur de nos enfants comme une dette sacrée que rien ne peut effacer.

Vous êtes tombés, mais vous avez vaincu !

Vous avez vaincu et notre France est libre !

Gloire à vous ! Ô Mes Camarades de combat de la Grande République Sœur des Etats-Unis ! Gloire à vous !

Au nom des maquisards, au nom de tous les Anciens Combattants, au nom de l’Armée Française, merci !

Enfin M. Majoureau secrétaire général de la préfecture rendit un hommage en ces termes aux soldats américains tombés sur le sol français :

En ce même jour, placé sous le signe du souvenir, des cérémonies semblables à celle-ci se déroulent aux Etats-Unis et dans les pays d’au-delà des mers, pour honorer la mémoire et célébrer l’héroïque sacrifice des soldats et de la grande Nation Américaine tombés au Champ d’Honneur.

Tout un peuple se recueille et se souvient.

Pour la deuxième fois à moins de vingt cinq ans d’intervalle, ses fils ont traversé les océans pour secourir les peuples opprimés et combattants du droit et la liberté, faire triompher une cause juste entre toutes !

La victoire est venue couronner leurs longs et tenaces efforts et aujourd’hui grâce à eux, l’espérance refleurit au cœur des hommes auxquels ils ont redonné la joie de vivre.

Mais il en est hélas certains qui ne connaîtront pas la joie du retour et ne reverront plus leur pays natal qui leur était si cher. Pour eux le sacrifice aura été total. Leurs pauvres corps déchiquetés par la bataille jalonnent les routes de ce monde meurtri qu’ils ont délivré.

Ils reposent maintenant dans de calmes cimetières de campagne et seules les longues files de croix de bois rappellent aux passants l’horreur des combats et le prix d’une victoire.

Ces morts valeureux, couchés aujourd’hui dans les plis du drapeau de la gloire nous sont chers, parce qu’ils sont tombés sur notre sol pour le défendre et lui rendre en même temps qu’à l’humanité toute entière, ce bien inestimable avant tout, la Liberté !

Ce pieux souvenir restera impérissable dans cette vieille province de Franche-Comté dont les solides vertus sont faites d’honneur et de fidélité. Héritage précieux des générations à venir.

Il restera également à jamais vivace dans le cœur de tous les hommes qui savent se souvenir. Que ces grands Morts dorment aujourd’hui en paix, car leur sacrifice n’aura pas été vain. C’est aux vivants désormais de continuer leur tâche. Il leur appartient d’être digne d’eux, de relever le flambeau que leurs mains sans vie ont dû lâcher et de faire triompher dans le monde cet idéal de liberté et de fraternité pour lequel ceux que nous honorons aujourd’hui ont tout sacrifié, leur affection, leur jeunesse et cet ultime bien la Vie.

Après qu’un clairon américain et un clairon français eurent égrainé les notes de la sonnerie aux morts, chacun se recueillit pendant une minute. Le silence était ensuite rompu par les salves des militaires américains.

La subdivision de Besançon, le Consulat de Suisse, la Fédération des Déportés, Prisonniers et Fusillés faisaient enfin déposer d’immenses gerbes de fleurs au pied du mât qui au centre du cimetière porte haut les couleurs de ce pays, à la générosité duquel il n’a jamais en vain été fait appel.

Saint-Juan, Memorial Day

Journal La République, 1er juin 1946.

Le village de Saint-Juan était, le jeudi 30 mai à 16 heures, le témoin d’une émouvante cérémonie : la célébration du Memorial Day. Une partie du parc de Melle Simon est transformée en un cimetière américain : là reposent 2000* Américains morts pour la Défense du Droit et de la Liberté. Qui dira l’émotion étreignant le cœur en contemplant ces croix blanches, toutes pareilles…

Une simple inscription ; un petit drapeau !

Malgré le temps orageux, malgré les averses, une foule nombreuse était là. Sur l’estrade avaient pris place : le général Fournier, le colonel Guichard, M. le Conseiller général de la préfecture, représentant M. le Préfet, M. Minjoz Maire de Besançon, conseiller général, M. le Président de la Croix Rouge, des B.M., de l’Association des déportés, prisonniers et fusillés, le Chaplain Sahlin, le Zug Saint Robert Peterson, M. l’Abbé Maire-Amiot, curé de Saint-Juan, M. Bousson Emile, maire de Saint-Juan, M. Bourriot Louis, maire d’Adam, etc…

Y assistaient en outre, une délégation de soldats Américains et de soldats Français.

Face à la tribune, les drapeaux des différentes sociétés de Baume-Les-Dames et des villages environnants. Anciens combattants, mutilés, Médaillés militaires, FFI, Déportés, etc…

Une courte invocation récitée par le Chaplain Sahlin et M. Minjoz commence la série des discours. En termes éloquents, ils évoquent la mémoire de ces courageux soldats américains qui n’ont pas hésité à venir en France pour nous aider à repousser le sinistre envahisseur « La Fayette nous voilà ! ». Les liens d’amitié qui nous unissent à la grande nation d’outre océan se sont ainsi resserrés : leurs morts deviennent les nôtres : ils se rejoignent, et dans nos pensées et dans notre reconnaissance.

Le général Fournier apporte à ses frères d’armes le Salut de leurs frères d’armes. Ensemble, Américains et Français ont combattu le bon combat ; ensemble, ils ont arrosé de leur sang notre sol, et ont contribué ensemble à la Victoire. Fidèlement, pieusement, nous garderons leur Souvenir. M. le conseiller général de la Préfecture salue respectueusement ces victimes de la Grande Guerre ; ils ont suivi les traces de leurs Aînés ; de ceux qui, en 1914-1918, ont donné leur vie pour sauver la Paix du Monde. En notre territoire, nombreuses sont les tombes ; lourde est notre dette de reconnaissance envers ces Martyrs qui ont sacrifié leur jeunesse, leurs forces, qui ont donné leur vie pour la Sauvegarde de la Liberté.

Nous ne les oublierons pas.

Une courte prière par le Chaplain Sahlin, et c’est l’Emouvante minute de silence, tandis que, Douloureuse, retentit la « Sonnerie aux Morts ». Après un discours du Chaplain Sahlin et le chant de « Ceux qui sont pieusement morts pour la Patrie » par la chorale féminine de Saint-Juan, se forme un cortège officiel qui va déposer de magnifiques couronnes sur la tombe de ces victimes de la Guerre. Puis la foule se disperse, émue, recueillie. Elle songe à cette dette de reconnaissance qu’elle doit à tous ceux qui sont morts pour que nous vivions. Elle songe à ces mères, à ces épouses, à ces fiancées, à ces enfants, qui là-bas, de l’autre côté de l’océan, pleurent des êtres chers.

Familles en deuil qui n’avez pas la Consolation de vous agenouiller sur la Tombe des vôtres, sachez bien que nous, les Français, nous les adoptons, nous les considérons comme les nôtres ; sachez bien aussi que votre douleur est la notre ; sachez que nous nous unissons dans la même pensée de reconnaissante gratitude et de pieux souvenirs et vos morts et les nôtres.

* 2000 soldats :

  • 987 Américains
  • 920 Allemands

Une émouvante cérémonie au cimetière américain de Saint-Juan.

Journal le Comtois, 31 mai 1947

Le long des routes de Franche-Comté des plaques indicatrices portent la mention « Saint-Juan » soulignée d’une flèche. Elles jalonnent la voie sacrée qui conduit au cimetière où ont été rassemblés les corps des militaires américains tombés au cours des combats de la libération.

Sur le plateau de Bouclans, près du petit village de Saint-Juan, 987 soldats des Etats-Unis dorment de leur dernier sommeil. Ils avaient quitté joyeux leurs familles et leur patrie pour défendre la liberté. Ils ne les ont jamais revues.

Hier vendredi, à l’occasion du Mémorial Day, une très belle cérémonie s’est déroulée sous un soleil brillant, devant les tombes de ces héros. A 11 heures, les notabilités américaines et françaises prenaient place dans une tribune érigée à l’entrée du cimetière.

On remarquait :

  • Du côté américain :

M. le Commandant Bickford du service américain des sépultures militaires de Paris, M. le Lieutenant Bockstahler du service américain des sépultures militaires de la région de Nancy, M. Burns Sheldon, M. Burns Daniel, M. Montjoy John représentants des services de sépultures de Paris, Ms. Les aumôniers Madden et Olinder.

  • Du côté français :

M. Pierre Dumont Préfet du Doubs, M. le Colonel Maurin, M. le représentant de Jean Minjoz, maire de Besançon, M. le Colonel Oherne, commandant la gendarmerie du Doubs, Mgr. Dubourg, archevêque de Besançon, M. le Pasteur Marsanche, M. Lécuyer maire de Baume les Dames, vice-président de l’association des maires du Doubs, M. Bousson Emile maire de Saint-Juan, les délégations des associations Rhin et Danube, des déportés, des prisonniers de guerre et de la section des anciens combattants de Roulans avec leurs drapeaux, les représentants de la résistance, du C.O.S.O.R. et de diverses associations patriotiques et de résistance.

Une section du 5ième tirailleurs Marocains avec la musique ; et une invocation prononcée par l’aumônier Madden, plusieurs discours furent prononcés. M. le Commandant Bickford salua et remercia les personnalités françaises et souligna le sens de cette cérémonie : Nous sommes réunis aujourd’hui, dit-il, pour honorer la mémoire des soldats américains tombés sur le sol français. Ils sont venus combattre un ennemi implacable, et ils sont morts pour que nous soyons libres. Tout ce que nous pouvons dire ici ne saurait nous les rendre, mais nous devons nous inspirer de leur sacrifice et agir pour que leur idéal de justice et de liberté soit maintenu dans le monde.

Le Colonel Maurin prenant à son tour la parole rappela l’immense espoir qui soulevait la France aux heures les plus sombres de l’occupation :

Si nous avons pu revivre, dit-il, c’est aux soldats américains que nous le devons. Nous connaissons les sentiments généreux qui animent le peuple des Etats-Unis. Par deux fois, les soldats américains et français ont lutté côte à côte : en 1918 et en 1944 et cette fraternité restera le symbole de l’unité des peuples épris de liberté.

M. Bousson Emile maire de Saint-Juan dit combien ses administrés apprécient l’honneur qui leur est fait. Ils sont devenus les gardiens de ces tombes qu’ils entretiennent pieusement. Si, dit-il, le sang de nos deux peuples a arrosé la terre de France, c’est pour faire lever la moisson de la liberté.

M. le Préfet du Doubs, au nom du gouvernement de la République avait tenu à venir s’incliner devant les tombes où reposent les glorieux soldats américains des armées libératrices. Il évoqua les tragiques événements des années terribles, les épreuves, les souffrances, et il poursuivit : Voici trois ans, l’armée des Etats-Unis arrivait en France, acclamée par le peuple tout entier. Nous voyions en elle la jeunesse d’une grande nation. Ces soldats, la guerre les avait arrachés à leurs travaux, à leurs familles, mais ils acceptaient tous les sacrifices parce qu’ils combattaient pour le droit et la liberté. Devant ces tombes, c’est la France toute entière qui s’incline avec respect et avec reconnaissance. Elle s’honore de garder leurs dépouilles. C’est à eux que nous devons demander conseil, c’est leur idéal que nous devons garder parce que c’est un idéal de justice et de liberté.

Une prière fut dite par M. l’Aumônier américain Olinder, puis des couronnes de fleurs et des gerbes furent déposées dans l’allée centrale par M. le Préfet du Doubs, les anciens prisonniers, les déportés, le C.O.S.O.R., le maire de Saint-Juan et par les autorités américaines.

La foule vint ensuite apporter des bouquets et le geste de certains était émouvant dans sa simplicité.

La sonnerie aux Morts figea toute l’assistance et une minute de silence fut observée.

Puis, ce fut l’envoi des couleurs, et tandis que côte à côte flottaient les drapeaux américain et français, la musique joua l’hymne américain et la Marseillaise.

Mgr. Dubourg bénit les tombes et l’exécution par les jeunes filles de Saint-Juan du chœur Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie termina la cérémonie tandis qu’au loin tonnaient les salves d’artillerie.

Une émouvante cérémonie au cimetière Américain de Saint-Juan, le Memorial Day.

Journal La République, 1er Juin 1947.

Nous avons assisté vendredi 30 mai au cimetière de Saint-Juan, petit village du premier plateau du Doubs, à une cérémonie aussi émouvante par sa grandeur que par sa simplicité en l’honneur du millier de Soldats Américains qui reposent en ce coin de terre française.

Une foule nombreuse venue de tous les villages environnants est canalisée par un service d’ordre impeccable dirigé par l’Adjudant chef de gendarmerie Remy de la brigade de Baume-Les-Dames. Aucune cohue, aucune précipitation, aucun bruit discordant aussi bien avant qu’après la manifestation en l’honneur des Jeunes Gens du Nouveau Continent qui sont venus mourir sur notre sol pour un idéal de Justice, de Liberté, de Fraternité. Peu à peu, les autorités officielles arrivent dans l’avenue qui borde au Nord-Ouest le cimetière militaire. Elles sont reçues par le commandant Franklin Bickeford et plusieurs officiers de l’Armée Américaine. M. Dumont, Préfet du Doubs, Mgr Dubourg, Archevêque de Besançon, le colonel Maurin, commandant de la subdivision de Besançon, le Commandant de gendarmerie Oherne, M. Lécuyer Maire de Baume les Dames, vice président des Maires du Doubs, représentant M. Minjoz, Président, Monsieur Bousson Emile Maire de Saint-juan, M. L’Abbé Maire-Amiot curé de Saint-Juan, M. Mercier président du C.O.S.O.R. M. Baverel, président des déportés, M. Magnenet secrétaire général adjoint de la mairie de Besançon, représentant le Maire de Besançon, M. Dard représentant Rhin et Danube, le Pasteur Marsanche de Besançon, le Capitaine Baoux de l’état major du G.I.3 remplaçant le Colonel Guenin commandant d’armes à Besançon, M. Fort Maire de Gonsans Conseiller Général.

Les autorités prennent place sur l’estrade, à leur droite les drapeaux de l’association Rhin et Danube, de la section des anciens prisonniers de guerre et déportés, des anciens prisonniers de guerre et combattants de Bouclans. Ce dernier drapeau est porté par le lieutenant Gruet de Gonsans médaillé militaire combattant des deux guerres. A gauche un détachement de tirailleurs Marocains avec la Nouba.

Pendant que chacun prend place, la Nouba exécute une brillante marche militaire. Puis la cérémonie se déroule selon le programme prévu : Invocation par M. l’Aumônier Madieu, allocution du commandant Américain Franklin Bickeford, puis c’est le discours du colonel Maurin que nous sommes heureux de reproduire dans son intégralité.

Discours du Colonel Maurin

Il est émouvant de penser qu’aujourd’hui cette même cérémonie du souvenir a lieu dans tous les cimetières d’Europe en l’honneur des soldats Américains tombés pendant cette guerre sur une terre étrangère, loin de leur patrie.

Elle a pour nous Français, un sens qui s’élève bien au-dessus de l’hommage traditionnel que nous avons coutume de rendre aux morts, car c’est dans une reconnaissance profonde envers nos libérateurs que nous devons chercher des sentiments qui soient à la mesure de ce que nous éprouvons devant toutes ces vies généreusement offertes.

Nous n’oublierons jamais qu’à l’heure la plus sombre peut-être de notre histoire, quand à l’issue d’une défaite sans précédent tout paraissait perdu, la grande voix du Général De Gaulle s’est élevée à Londres pour lancer au Monde et à la France angoissée, un appel pathétique et vibrant. Appel aux armes qui reflétait une confiance inébranlable dans la destinée de la Patrie, mais appel qui était avant tout un message d’espérance et de foi puisqu’il restait dans l’Univers libres des forces immenses qui n’avaient pas encore donné et qu’un jour ces forces écraseraient l’ennemi. C’est cet espoir que dis-je ! C’est la certitude que cette prophétie se réaliserait, que le jour viendrait où ces forces enfin dressées écraseraient les forces mauvaises qui avaient terrassé les peuples de la vieille Europe, qui a permis à la France de vivre, de supporter des souffrances jamais connues, de préparer dans l’ombre sa libération et son relèvement.

Si notre pays a pu revivre, reconquérir son prestige et sa souveraineté, retrouver dans le monde la place qu’il y occupait, c’est pour une large part aux soldats de l’Amérique qu’il le doit.

Pouvait-il en être autrement, quand on connaît les sentiments généreux et humanitaires qui de tous temps ont animé le grand peuple américain aussi épris de liberté des autres ? Car c’est un fait, et je m’en voudrais de ne point rappeler ici d’autres paroles prononcées plus récemment par le Général De Gaulle à Strasbourg, que chaque fois que dans le monde la justice se trouve blessée, une lourde alarme s’éveille à la fois dans les consciences françaises et dans les consciences américaines et que les deux démocraties ont toujours trouvé la même et puissante résonance quand elles ont eu à défendre la liberté menacée. Il en avait été ainsi lors de la guerre de 1914-1918. Il devait en être ainsi lors de la récente guerre mondiale, il ne pouvait en être autrement tant qu’il y aurait eu par delà l’océan, un soldat Américain en état de porter les armes. Et tous ces soldats Américains, qu’ils soient tombés en 1918 au Bois Belleau ou sur les pentes de Montfaucon ou en 1944 à Okinawa ou devant la ligne Siegfried, apparaîtront plus tard non seulement comme les artisans de la lutte la plus gigantesque qui ait ensanglanté l’Humanité, mais comme les témoins glorieux des croisades qu’entreprirent les peuples libres pour abattre les régimes totalitaires.

Il nous est particulièrement cher, à nous soldats, de penser que deux fois au cours de la vie d’un homme et pour les vieux soldats comme moi, que deux fois au cours de leur longue carrière militaire, nous nous serons battus côte à côte avec la glorieuse armée américaine dans une totale fraternité d’armes. Que nous aurons mêlé notre sang à celui de ses soldats dans les mêmes batailles, pour le triomphe de la même cause et pour une cause plus sacrée encore, la libération de notre pays ; Toutes ces tombes qui ont été regroupées sur notre sol, et attestent la grandeur de tant de sacrifices, nous sont aussi chères que celles des nôtres. Sous la garde de notre piété, elles resteront pour les générations à venir non point seulement un témoignage émouvant des luttes et du passé, mais comme le symbole éternel de l’amitié qui doit unir et associer deux grands pays épris de liberté.

Monsieur Bousson Emile, Maire de Saint-Juan, prend ensuite la parole ; Dans un langage simple et avec émotion, il remercie toutes les notabilités qui sont venues rehausser la fête du jour : Mgr. L’Archevêque, M. le Préfet, résistant de la première heure, les autorités civiles et militaires.

Il a plaisir à féliciter la population de sa commune pour qui le Cimetière Américain est devenu un lieu de pèlerinage et qui témoigne ainsi sa reconnaissance à nos alliés tombés pour notre libération.

M. le Préfet rappelle avec quel enthousiasme les troupes Américaines arrivant en France il y a bientôt trois ans étaient accueillies par nos populations, il exalte le sacrifice de ces hommes jeunes, venus sur notre terre pour servir le même idéal que le notre, conserver à l’Humanité ce qui est pour elle la raison de vivre.

L’Aumonier Olinder récite une prière, puis des couronnes et des gerbes de fleurs sont déposées au centre du cimetière.

Voici celles offertes par l’Association Américaine du Mémorial Day, par M. le Préfet, par la municipalité de Saint-Juan, par l’association des maires du Doubs, par le C.O.S.O.R. etc…etc…

C’est ensuite la sonnerie au drapeau, l’envoi aux couleurs, tandis que montent au long des mats les drapeaux américains et français. Les tirailleurs marocains exécutent plusieurs salves de coups de fusil à la suite desquelles « la Nouba » fait retentir les hymnes nationaux américain et français, tandis que la foule silencieuse impressionnée est figée dans une attitude respectueuse.

La chorale des jeunes filles de Saint-Juan fait entendre l’Hymne aux Morts « Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie » puis Mgr. Dubourg archevêque de Besançon récite l’absoute et donne la bénédiction finale.

Les tirailleurs défilent ensuite devant le cimetière au son d’une marche militaire, tandis que la foule se retire satisfaite d’avoir rendu un hommage mérité à ces héros du nouveau monde qui sont venus mourir sur notre sol pour notre libération.

Cimetière Temporaire Américain, Saint-Juan, 25

Jeannette Pétrequin, habitante de Saint-Juan. Septembre 2003.

A plusieurs milles de leur Amérique Natale, ils sont venus combattre et mourir sur le sol de France. 987 de ces soldats Américains reposèrent dans notre petit village de Franche-Comté, Saint-Juan (Doubs).

Notre Terre les a accueillis quelques années, puis leurs dépouilles repartirent pour l’Amérique ou furent transférées à la Grande Nécropole Militaire Américaine d’Epinal.

Le temps a passé. Ayons une pensée pour tous ces parents, pères, mères, frères, sœurs, familles et amis, qui ne revirent pas les leurs.

Surtout ne laissons pas dans l’oubli tout ce qu’une guerre apporte de peine et de souffrance. À notre tour de nous recueillir et d’honorer leurs mémoires.

Pensons aussi aux 900 Allemands qui reposèrent à leurs côtés.

Remarque :

Émile Bousson, le Maire de Saint-Juan mentionné dans les articles, était mon arrière grand-père. Je ne l’ai pas connu, ni son fils Adrien qui fut mon grand-père. J’ai, en revanche, connu René et Lucien, ses deux autres fils. Le second fut Maire du village à son tour, de 1953 à 1995 !

Autre remarque :

Il ne reste aujourd’hui plus aucune trace visible du cimetière, et bon nombre de nouveaux habitants ignorent même qu’il a existé. Le champ où il se trouvait est aujourd’hui cultivé par le petit-fils d’Émile Bousson, qui lui-même était cultivateur, et a la particularité d’être très bosselé en raison de son passé.

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